II / TRAUMATISMES OCULAIRES
Un traumatisme de l'oeil ou des structures voisines nécessite un examen attentif pour déterminer l'importance et l'étendue des lésions. L'acuité visuelle, la motilité du globe oculaire, la profondeur de la chambre antérieure, la localisation des plaies palpébrales et conjonctivales et des corps étrangers, et la présence d'une hémorragie de la chambre antérieure, d'une hémorragie du vitré, ou d'une cataracte, doivent être soigneusement recherchées et consignées en détail dans l'intérêt du patient, du médecin et, en cas d'accident du travail, de l'employeur.
CORPS ETRANGERS
Les lésions conjonctivales et cornéennes dues à des corps étrangers sont les plaies oculaires les plus fréquentes, mais des lésions provoquées par des corps étrangers intra-oculaires peuvent également se produire. Un traumatisme apparemment minime peut se révéler grave si la pénétration intra-oculaire d'un corps étranger a été méconnue ou s'il se développe une surinfection d'une érosion cornéenne.
La coloration par la fluorescéine (v. Ch. 90) facilite la visualisation des corps étrangers et des érosions. Un anesthésique, (p. ex. 2 gouttes de proparacaïne à 0,5 %) est instillé sur la conjonctive. Les 2 paupières sont éversées, et la totalité de la conjonctive et de la cornée est inspectée à la loupe binoculaire ou à la lampe à fente. Les corps étrangers sont retirés de la conjonctive à l'aide d'un coton-tige humide. Un corps étranger cornéen non mobilisable par irrigation peut être prudemment retiré à l'aide d'une aiguille stérile, sous grossissement. Un fragment d'acier ou de fer qui n'est pas aussitôt retiré laisse sur la cornée un « anneau de rouille » dont l'ablation est également impérative, sous lampe à fente.
Pour les très petits corps étrangers, une pommade antibiotique (p. ex. bacitracine/polymyxine B ou sulfacétamide sodique 10 %) doit être appliquée. Le tt des corps étrangers de plus grande taille est le même que celui des érosions cornéennes : dilatation de la pupille par un cycloplégique d'action courte (p. ex. 1 goutte de cyclopentolate à 1 %) ; instillation d'antibiotiques comme décrit plus haut ; et pansement adéquat pour maintenir l'oeil fermé pendant la nuit. Les préparations ophtalmiques à base de corticoïdes sont contre-indiquées car elles favorisent la colonisation fongique et l'infection à virus Herpes simplex. L'épithélium cornéen se régénère rapidement ; sous pansement occlusif, des érosions étendues cicatrisent en 1 à 3 j. Un examen ophtalmologique est recommandé 1 à 2 j après l'accident, notamment si le corps étranger a été retiré à l'aide d'une aiguille ou d'une pique.
Les corps étrangers intra-oculaires nécessitent une intervention chirurgicale immédiate par un ophtalmologiste. La pupille est dilatée par 1 goutte de cyclopentolate à 1 % et 1 goutte de phényléphrine à 2,5 % pour examiner le cristallin, le corps vitré, et la rétine. Les antibiotiques sont indiqués, par voie locale et générale, p. ex. gentamycine 1 mg/kg IV toutes les 8 h (si la fonction rénale est normale) associé à 1 g de céfazoline IV toutes les 6 h, et 1 goutte de collyre à la gentamycine à 0,3 % toutes les heures. Les pommades doivent être évitées en cas de plaie du globe. Un pansement et une coque de protection rigide sont placés sur l'oeil pour éviter les compressions intempestives qui pourraient provoquer l'issue du contenu oculaire par le site de pénétration. Le patient ne devra rien absorber dans l'éventualité d'une intervention chirurgicale en urgence.
PLAIES ET CONTUSIONS
Les contusions palpébrales (il noir) nécessitent pendant les 24 premières heures une application de glace pour inhiber l'oedème. Le jour suivant, des compresses chaudes faciliteront la résorption de l'hématome.
Les plaies palpébrales minimes sont suturées avec une soie. Les déchirures des rebords palpébraux seront de préférence confiées à un ophtalmologiste car les 2 berges doivent être soigneusement affrontées pour éviter les irrégularités disgracieuses. Les plaies importantes, en particulier si elles intéressent l'appareil lacrymal, doivent également être réparées par un ophtalmologiste.
Un traumatisme du globe peut endommager gravement les structures internes. Une hémorragie de la chambre antérieure et du vitré, une hémorragie ou un décollement de la rétine, une déchirure de l'iris, une cataracte, une luxation du cristallin, un glaucome, une fracture du plancher de l'orbite, une hémorragie ou un décollement de la rétine, et un éclatement du globe peuvent survenir. Un tt urgent peut être nécessaire avant l'intervention du spécialiste et consiste à soulager la douleur (p. ex. mépéridine 50 mg IM toutes les 3 h) ; en maintenant la pupille dilatée avec une goutte de cyclopentolate à 1 % et une goutte de phényléphrine à 2,5 % ; en appliquant un bandeau de protection ; et en combattant les possibles infections avec des antibiotiques locaux et systémiques, comme décrit pour les corps étrangers. On ne doit jamais chercher à forcer l'ouverture de paupières traumatisées car cela risque d'aggraver les lésions. En cas de déchirure du globe, les antibiotiques locaux ne doivent être utilisés que sous forme de gouttes afin d'éviter la pénétration de pommade dans le globe. Devant les dangers d'une surinfection fongique, les corticoïdes sont contre-indiqués tant que les plaies n'ont pas été fermées chirurgicalement. Lors d'une plaie du globe, l'oeil contro-latéral sain peut être, rarement, le siège d'une inflammation (ophtalmie sympathique) qui peut conduire à la perte de la vision.
Les hémorragies de la chambre antérieure après un traumatisme fermé (hyphéma traumatique) sont potentiellement graves et doivent être suivies par un ophtalmologiste. Elles peuvent se compliquer de saignements itératifs, d'un glaucome et d'une coloration hématique de la cornée. Un bandeau est nécessaire pour protéger l'oeil d'éventuels traumatismes. En cas d'hypertension intra-oculaire, un inhibiteur de l'anhydrase carbonique devra être donné (p. ex. acétazolamide per os 250 mg à 1 g/j en doses fractionnées). Le bandage bilatéral et la sédation sont rarement indiqués. L'acide aminocaproïque à la dose de 50 mg/kg per os toutes les 4 h (sans dépasser 30 g/j) pendant 5 j peut réduire le risque de récidive du saignement. Les médicaments contenant des AINS oraux et topiques sont contre-indiqués car ils peuvent contribuer au saignement. Le non-spécialiste ne devra pas utiliser de myotiques ou de mydriatiques dans ces cas. Rarement, des saignements récidivants avec glaucome secondaire nécessitent l'évacuation du sang par un ophtalmologiste.
BRULURES
Les brûlures des paupières doivent être nettoyées très soigneusement avec du sérum physiologique, puis enduites de vaseline ou d'une pommade antibiotique (p. ex. érythromycine). Un pansement stérile est alors appliqué et maintenu par un bandage élastique jusqu'à ce que la paupière ait cicatrisé.
Les brûlures chimiques de la cornée et de la conjonctive peuvent être graves et doivent être immédiatement lavées abondamment avec de l'eau ou avec une solution à 0,9 % de NaCl, ou un autre liquide neutre. L'oeil peut être anesthésié avec 1 goutte de proparacaïne à 0,5 % si disponible, mais cela ne doit jamais retarder le lavage qui sera poursuivi pendant 30 min. L'iritis chimique doit être traitée par l'instillation d'un cycloplégique d'action longue (p. ex. solution d'atropine à 1 %). Les troubles épithéliaux cornéens doivent être traités en appliquant une pommade antibiotique (p. ex. sulfacétamide sodique à 10 %) puis un bandage compressif. L'usage prolongé d'anesthésiques topiques doit être évité. L'intensité de la douleur peut nécessiter d'y associer 30 à 60 mg de codéine per os ou 50 mg IM de mépéridine, toutes les 4 h. Les brûlures chimiques graves nécessitent un tt spécialisé par un ophtalmologiste pour sauver la vue et prévenir les complications majeures telles que l'iridocyclite, la perforation du globe et les déformations palpébrales. Les patients présentant une rougeur importante de l'oeil ou une destruction de l'épithélium doivent toujours être examinés par un ophtalmologiste dans les 24 h.